"Nous ne sommes pas encore à l'humanisme numérique" : c'est par ces mots que Vincent Montagne, président du SNE (Syndicat National de l'Édition et principal organisateur de la journée), a ouvert cette nouvelle édition des assises du numérique. C'est pour nous l'occasion de rappeler les grands thèmes de cette édition : la mutualisation des connaissances, l'ouverture du dialogue, la collaboration interprofessionnelle et surtout l'ouverture à l'international. Ce dernier point est particulièrement révolutionnaire. En effet, personne n'avait jusqu'alors pensé à supprimer les frontières grâce au numérique. C'est aujourd'hui chose faite et il n'est pas trop tard pour s'y mettre.
Tout en taclant délicatement Amazon et ses ambitions monopolistiques, Vincent Montagne a tenu à rappeler "qu'à l'heure du numérique, le métier d'éditeur reste indispensable dans l'accompagnement de l'auteur et dans le déploiement du livre". Une remarque qui dénote encore la crainte de nombreux éditeurs papier de voir leur métier s'évaporer dans les limbes du numérique.
L'évolution cognitive de la lectureLa première conférence de ces assises était dédiée à l'impact cognitif du passage du monde du livre au monde des écrans. Sur la scène du numérique du Salon du Livre, Alban Cerisier, secrétaire général des éditions Gallimard et président de la commission numérique du SNE, en a discuté avec Stanislas Dehaene, normalien et docteur en psychologie, et Pierre Léna, normalien lui aussi et élu à l'Académie des sciences. Par ailleurs, celle-ci vient de publier un rapport sur la relation des enfants aux écrans (L'enfant et les écrans écrit par Jean-François Bach, Serge Tisseron, Olivier Houdé et Pierre Léna, publié aux éditions Le Pommier).
Il ressort de ce rapport qu'il est actuellement "possible d'opposer deux cultures : celle des livres et celles des écrans". Cette rupture est à la fois "culturelle, cognitive et psychologique".
Le numérique, au sens large (internet, jeux vidéo, gps, etc.) avec cette interactivité et cette interconnectivité de plus en plus poussée, modifie profondément notre rapport à la lecture et notre rapport à l'image. Alors qu'auparavant, la lecture était essentiellement verticale, aujourd'hui, avec l'arrivée du lien hypertexte et du multimédia, elle devient horizontale. C'est la tentation du papillonnage accompagnée du risque de se demander : "comment suis-je arrivé là ?"
Stanislas Dehaene affirme alors que le livre papier et sa logique de lecture peut grandement favoriser une immersion plus importante sur les supports numériques : "l'intelligence narrative qui nous permet de créer une chronologie, une feuille de route, est indispensable dans notre relation à ces nouveaux écrans qui ont tendance à nous disperser."
Par conséquent, les logiques de lecture sur papier seront, selon lui, capitales dans le développement du numérique et dans l'appréhension de leur contenu.
C'est pour cette raison qu'on considère que l'opposition entre la culture du livre et la culture des écrans va s'atténuer dans le futur.Comme le rappelle très justement Pierre Léna : "Actuellement, les livres numériques ressemblent fort aux livres papier, dans leur logique cognitive et dans la présentation de leur contenu. Mais il y a fort à parier que bientôt, ils intègreront de plus en plus les possibilités multimédias. Le traitement du contenu du livre numérique va intégrer celui qu'on réserve encore à internet, aux jeux vidéo, au gps, etc."
Nous pouvons ainsi conclure au terme de cette première conférence que, si le rapport cognitif de l'acte de lire évolue dans le monde des écrans, la logique de lecture du livre papier constituera une formidable aide pour saisir les opportunités offertes par le futur du livre numérique.
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M.B.